Les retraites : un vrai « faux problème »

Inne języki

Depuis plusieurs années, nous sommes soumis à un matraquage médiatique qui a pour
but de faire intégrer à toute la population une seule et même rengaine : du fait de l'allongement de l'espérance de vie (fort inégalement répartie d'ailleurs, mais cela n'intéresse personne), du fait de la concurrence internationale, du fait de tant d'autres choses, notre système de retraites va à l'asphyxie, il ne sera plus
possible de payer, etc., etc. Une simple observation de la réalité économique montre que ces longs et prétentieux discours constituent purement et simplement une manipulation.

En effet, le problème de base, c'est de savoir à qui vont les « bénéfices »
dégagés par toutes les activités de production (ce qu'on appelle en gros en langage économique la « plus-value » ou la « valeur ajoutée »).
les chiffres parlent

Or, sur ce plan, les chiffres parlent. Voici ce qu'ils disent. Citons un document
incontesté du très officiel INSEE (Institut national de la statistique et des études
économiques) [[« Le partage de la valeur ajoutée en France, 1949-2007 », P-A
Pionnier, disponible sur le site de l'INSEE.)] : en 1981, les trois quarts (74 %
exactement) de la création de richesse produite en France allaient aux salariés. En
2009, ce pourcentage était tombé à 65 % !

Le constat est donc simple : la part de la production que les travailleurs reçoivent
a diminué de presque 10 % en moins de trente ans. Cela représente des sommes
fabuleuses qui permettraient à elles seules de régler « le problème des retraites
» si on le voulait.

En effet, en France pour la seule année 2009, la valeur ajoutée produite a été de 1
434 milliards d'euros. Si la répartition s'était faite dans les mêmes proportions
qu'en 1981, 1 061 milliards d'euros auraient dû aller dans la poche des salariés.
Dans la réalité, ils n'ont reçu que 932 milliards, soit une perte pour eux de 129
milliards. Ce qui est très supérieur aux 100 milliards d'euros de déficit prévu «
pour le déficit des retraites » par le gouvernement à l'échéance 2050. Autrement
dit, il suffirait de reprendre dans les bénéfices des patrons et des actionnaires la
part supplémentaire de ce qu'ils nous volent annuellement (par rapport à 1981,
époque à laquelle ils ne se gênaient déjà pas pour nous plumer) pour régler
définitivement le problème !

Ce simple calcul, peu de gens le font, tant à gauche qu'à droite. A droite, on les
comprend. A gauche aussi, car la chute de la part des salariés s'est essentiellement
produite de 1983 à 1987, c'est-à-dire pour l'essentiel sous un gouvernement de
gauche (soutenu par les socialistes, les communistes et autres verts).

On comprend pourquoi les socialistes préfèrent regarder ailleurs quand il s'agit de
proposer des solutions au problème des retraites : ils devraient commencer par faire
leur autocritique ! Peu désireux de la faire, ils se placent délibérément sur le
terrain de la droite, et cherchent à nous convaincre qu'il est indispensable de
travailler plus longtemps.

Si ce n'était une arnaque très pénible pour tous les salariés, il serait amusant de
constater que, dans une période de chômage de masse pour la jeunesse, le
gouvernement cherche à maintenir de force au travail les personnes de plus de 60
ans, dont certaines (bâtiment, agriculture, métallurgie, santé,...) arrivent déjà
épuisées à cette première limite ! Ce qui montre qu'on est ici non dans une logique
économique imposé par le « besoin » mais dans un discours purement idéologique.

le problème des retraites, c'est notre échec dans la lutte des classes

La répartition actuelle de la valeur ajoutée montre que la victoire de Mitterrand en
1981 a constitué une grande défaite pour les travailleurs. Ce que toute la classe
politique de gauche a présenté comme une libération, s'est avéré être la plus grande
escroquerie que les possédants aient organisé contre nous.

Constater que la part des salaires dans la valeur ajoutée, s'est effondrée de 1983 à
1987 (et n'a pas récupéré depuis), c'est une autre façon de constater que
l'exploitation s'est faite plus forte. En effet, les travailleurs, qu'ils soient
dans le secteur des biens ou celui des services, produisent 100 % de la richesse par
leur travail (et non une simple part comme le prétendent les écono-crétins qui
enseignent l'économie dans les facultés), et une partie de celle-ci est volée par le
patron. Plus la part volée par le patron est grande, plus forte est l'exploitation.

Pour les retraites, il ne s'agit donc pas d'un problème démographique comme « on »
nous le dit à la quasi-unanimité, mais bien d'un problème politique et social.

Outre le gouvernement, le parlement, les médias et les partis politiques, d'autres
comédiens sont dans la danse : les centrales syndicales. Tout comme les « forces
politiques de gauche », elles sont partie prenante dans cette vaste escroquerie et,
faites leur confiance, elles vont remplir leur mission encore mieux que d'habitude.

Après avoir fait semblant d'ergoter sur des détails, elles sont en train d'organiser
un enterrement de première classe pour un mouvement qui n'a même pas commencé ! Le
tout sur fond de « négociations » interminables (histoire d'endormir le public)
avec le patronat et l'Etat, négociations dont pas grand chose ne transpire. Pour une
raison également simple : les centrales syndicales sont là simplement pour «
accompagner » l'étranglement progressif des retraites. Elles jouent le jeu de ces
psychologues que le pouvoir se dépêche d'envoyer sur les lieux de chaque catastrophe
: vous faire accepter ce qui s'est passé (car « on n'y peut rien », n'est-ce pas,
ma pauvre dame ?), sans que vous vous posiez trop de questions sur les
responsabilités et surtout en vous enlevant toute envie d'agir contre les
responsables.

C'est comme cela qu'il faut comprendre la promenade nationale que les syndicats
viennent d'organiser dans une assez belle unanimité ce 27 mai, afin que les plus
crédules continuent à croire qu'ils servent à quelque chose. Avec les examens (pour
les étudiants) et les vacances (pour ceux qui peuvent se les payer) qui approchent,
les bureaucrates espèrent bien que ce mouvement ne prendra pas, et que cette manif
aura pour toute fonction celle de l'os en plastique que l'on jette à un chiot pour
tromper son impatience.

les syndicats ne capituleront pas car ils ont déjà négocié Même si par hypothèse
leur base les poussait (ce qui est l'espérance illusoire des gauchistes et
libertaires syndiqués à la CGT, à la CFDT, à Solidaires, FO et autres UNSA), même si
dans ce cas elles étaient obligées d'aller un petit peu plus loin, elles ont, par
avance, non pas capitulé (ce qui supposerait au départ une volonté de se battre)
mais négocié les privilèges individuels de leurs bureaucraties contre les retraites
de tous.

L'affaire des retraites démontre avec force combien la stratégie adoptée
majoritairement par les militants et organisations libertaires depuis des décennies
et qui consiste à se syndiquer dans les « grandes centrales » « parce que c'est
là où sont les travailleurs » jointe à la pratique de ces mêmes libertaires de
co-signer avec les syndicats des tracts et autres appels, de participer à leurs
défilés et rassemblements... constitue une erreur tragique.

Ceux qui ont joué (et continuent de jouer) cette carte se sont non seulement jetés
tous seuls dans la gueule du loup, mais, en servant de faire-valoir à ses
organisations ils ont largement contribué à rendre impossible à ce jour l'émergence
d'une véritable organisation autonome de la classe exploitée qui aurait été bien
utile dans les circonstances actuelles !

Les militants de la CNT-AIT n'ont pas arrêté de répéter cette évidence sans trop de
succès à ce jour. Peut-être la déroute qui s'annonce dans la « bataille » des
retraites constituera-t-elle pour cette militance l'électrochoc qui l'amènera à
remettre en cause des pratiques socialement suicidaires ? Nous ne pouvons que
l'espérer et, pour notre part, nous ne cesserons de travailler au développement des
capacités d'auto-organisation et de lutte de tous les exploités, avec la conviction
qu'au vu de ce qui se passe et de ce qui se prépare, ce n'est pas simplement les
retraites qu'il faut défendre dans un mouvement de résistance contre l'aggravation
de l'exploitation et de la misère, mais bien ce système économique et politique
qu'il faut mettre par terre et remplacer de fond en comble.

Economicus Simplex

contact@cnt-ait.info

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